Le
Rhône, un fleuve pas tranquille
Réflexions sur un fleuve et ses riverains
Alain Pelosato
Le Rhône est un
fleuve qui reçoit beaucoup d’eau de la nature : eau de fonte des glaciers
dès sa naissance dans les Alpes suisses, eaux de fonte des neiges un peu plus
bas, eaux des pluies océaniques grâce à un affluent comme la Saône et eaux des
orages méditerranéens dans la partie sud de son cours. Ainsi, ce long fleuve ne
manque jamais d’eau, ce qui lui confère une morphologie comparable à un (très
grand) torrent de montagne. La montagne, il la traverse jusqu’au sud de son
cours et ne la quitte vraiment qu’en Avignon. Ce débit relativement régulier et
puissant lui a toujours donné l’atout considérable de favoriser la navigation.
Et, depuis la nuit des temps où la France n’était qu’une vaste forêt, il
constituait, avec la Saône, un axe de transport nord-sud d’un intérêt
considérable. Son courant puissant rendait impossible la remonte des bateaux
autrement que par le halage, ce qui rendait nécessaire la construction et
l’entretien de chemins de halage. Ainsi, le fleuve grouillait de vie et de
travail avec ses nombreux ports, ses moulins flottants, ses bateaux en décize
(descente) ou en remonte, ses chemins de halage fréquentés par de puissants
attelages de chevaux, et l’air frémissait des cris puissants et virils des
hommes.
L’autre défaut inhérent
à son caractère torrentiel, c’est qu’il n’avait pas de tirant d’eau
suffisamment régulier et profond. Il fallait être grand maître de la navigation
pour retrouver le chenal après chaque crue.
Les hommes se sont
attachés très tôt à aménager le fleuve. D’abord, pour se protéger des crues et
ensuite, assurer un courant suffisamment régulier aux moulins. Mais la bataille
était très difficile, car les colères du Rhône étaient puissantes et
fréquentes. Ainsi, en 1856, le village de Vallabrègues a changé de rive après
une fameuse crue. Plus récemment, et notamment à la fin du siècle dernier,
lorsque le ministre des transports Freycinet lança son fameux plan, on
l’aménagea pour fournir à la navigation un chenal régulier et un tirant d’eau
au moins égal à 1,60 mètre, hauteur suffisante pour la navigation des
embarcations rhodaniennes à fond plat. Le célèbre ingénieur Henri Girardon
initia donc de grands travaux d’aménagement consistant à mettre en place des
ouvrages d’enrochements qui faisaient creuser par le fleuve lui-même un chenal
régulier et suffisamment profond. Hélas, alors que ces travaux prenaient leur
plus grande ampleur, une impitoyable compétition entre le chemin de fer et la
navigation fluviale se terminait par la victoire de la compagnie de chemin de
fer Paris-Lyon-Marseille. Néanmoins, contrairement à la Loire, le Rhône
s’adapta à de nouvelles technologies de navigation fluviale et d’autres
aménagements plus récents, ceux de la compagnie nationale du Rhône, permettent
aujourd’hui le transport de marchandises avec de très gros convois poussés et
même des bateaux fluvio-maritimes. Ces aménagements ont façonné le fleuve que
l’on connaît aujourd’hui.
Un autre usage du fleuve
a contribué à sa transformation, et surtout, à la dégradation de sa qualité.
L’utilité de sa fonction d’évacuation des déchets a conduit à faire de la
vallée du Rhône un vaste site urbain et industrialisé, et aussi un sillon de
grande production électrique, qu’elle soit d’origine thermique (nucléaire ou
non) car l’eau du fleuve sert à refroidir les condenseurs des centrales, ou
d’origine hydraulique, la grande pente naturelle du fleuve y étant favorable.
Autrefois, les riverains
eux-mêmes réalisèrent les aménagements et profitèrent des richesses induites
par le fleuve. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Les grands travaux de la
CNR (compagnie nationale du Rhône) ont enrichi la nation, grâce à la production
électrique, mais pas les riverains eux-mêmes, qui n’ont profité que des
retombées de la ressource en eau. Il en est de même des industries et des
centrales nucléaires.
Leur fleuve ne leur
rapportait plus rien, ils cessèrent de le fréquenter, délaissant cette « troisième rive », celle des mythes, des pensées et des
rêves du Rhodanien... Ainsi, les riverains sont passés d’une attitude amoureuse
avec leur fleuve, d’un amour passionné et parfois violent, à une attitude de
rejet. Alors que leur réaction a été de tourner le dos à ce fleuve qui ne leur
apportait que des désagréments, certains ont eu l’idée de se rassembler pour,
au contraire, mener une action résolue de reconquête de leur fleuve.
Les aménagements de la
Compagnie nationale du Rhône (CNR).
Mis à part l’aménagement
de Génissiat-Seyssel (terminé en 1948), tous les aménagements de la CNR sont
construits sur le même modèle, celui du canal de dérivation. Déjà, au siècle
dernier, un vif débat technique (et politique...) avait opposé les tenants du
canal de dérivation et ceux de l’aménagement du lit lui-même. Ces derniers
l’emportèrent à l’époque. Mais, dès qu’il eut fallu atteindre des tirants d’eau
importants, le système de canal de dérivation fut remis à l’ordre du jour. La
loi du 27 mai 1921 décida la réalisation de ces nouveaux types d’aménagements
qui furent ensuite confiés à la CNR en 1935. Le premier qui fut mis en chantier
(après le barrage de Génissiat terminé juste après la dernière guerre) fut
celui de Donzère-Mondragon dans les années cinquante (1952) et le dernier en
date est celui de Sault-Brenaz en 1986. On
voit combien les délais sont longs en ce qui concerne les aménagements fluviaux :
de la décision en 1921 jusqu’en 1996, date à laquelle les aménagements du Rhône
ne sont pas encore terminés (car il reste en projet l’aménagement de
Saint-Clair à Lyon et celui de Loyettes qui a fait l’objet de critiques et de
rejet de la part des riverains), il en a coulé de l’eau sous les ponts du
Rhône... Ces aménagements comportent un barrage dit « mobile » (car il peut laisser passer plus ou
moins d’eau) qui détourne l’essentiel du débit vers un canal de dérivation qui
comprend une usine de production hydroélectrique et, pour la partie en aval de
Lyon du cours du fleuve, une écluse. Ces travaux énormes ont complètement
modifié le cours d’eau pour en faire un fleuve nouveau. Les riverains ont été
éloignés du Rhône, les tronçons restés « naturels » entre les aménagements ont vu leurs
berges enrochées, l’accès aux rives réglementées et les tronçons court-circuités
sont devenus de vastes étendues sèches de galets au milieu desquelles coulent
des débits très faibles de 10 à 60 mètres cubes par seconde. Quelques espaces
naturels restaient à leur disposition. Mais là aussi, d’autres gestionnaires
sont apparus, qui ont voulu, avec la complicité des aménageurs et des pollueurs
(la CNR et Rhône Poulenc, par exemple...), préserver des espaces naturels,
reliques des espaces fluviaux d’antan. Ainsi sont nées des réserves naturelles
comme celles de l’île du Beurre ou de l’île de La Platière, espaces fluviaux
qui furent l’objet de véritables batailles d’usage entre les pêcheurs,
chasseurs, agriculteurs, promeneurs.... Même si l’objectif de conservation de
la nature est louable, et nous le soutenons, on ne peut que constater que le
riverain se voit, cette fois, complètement privé de son fleuve. En tant
qu’être social et culturel du fleuve, le riverain n’existe plus. Seuls quelques
derniers résistants persistent à pratiquer leur fleuve et sa « troisième rive » grâce à la pêche aux engins qui est
encore autorisée, mais parfois interdite pour cause de pollution.
Sur le plan de la
navigation fluviale, le riverain a été également privé de son lien avec le
fleuve. Alors qu’autrefois, les mariniers étaient aussi des riverains, aujourd’hui,
le transport fluvial de marchandises se fait par gros porteurs ou convois
poussés complètement étrangers aux Rhodaniens. Ceci dit, alors qu’en France le
transport fluvial a diminué de moitié en vingt ans, celui du fleuve Rhône a
presque doublé comme l’atteste la figure page suivante.
L’intérêt du transport
fluvial pour l’environnement ne se démontre plus quand on sait qu’un seul
convoi poussé de 4 400 tonnes remplace 110 wagons de 40 tonnes ou 220 camions
de 20 tonnes...
La question reste posée
de l’impact de ces aménagements fluviaux sur les équilibres écologiques. Cette
question prend toute son importance aujourd’hui, ce qui fait qu’on ne réalise
plus de la même façon les aménagements fluviaux qu’à une époque encore récente.
Toutes les connaissances en génie écologique doivent être mises à contribution,
les investissements pour l’écologie et les paysages ne doivent pas être
économisés. La question centrale de la ressource en eau doit conduire à faire
des choix non destructeurs.
Les pollutions
accidentelles.
Un fleuve a pour
fonction d’évacuer les déchets. C’est une fonction naturelle, imagée par
l’expression « jeter au Rhône » utilisée par les riverains lorsqu’on parle de se débarrasser de
quelque chose. Cette fonction, le riverain l’utilisait lui-même, elle lui était
directement utile, non seulement il l’acceptait, mais il remerciait le fleuve
de lui fournir ce service. Aujourd’hui, cette fonction est utilisée par
d’autres : par les industries chimiques, venues là pour le fleuve en tant
que ressource en eau et égout, par les grandes villes, avec leurs habitants,
citadins loin de la nature pour lesquels le fleuve doit rester propre et qu’ils
salissent en aval. Puis, sont arrivées les pollutions accidentelles répétées qui
ont donné un image exécrable du fleuve, image qu’il ne mérite vraiment pas, car
la qualité de son eau, malgré ces pollutions, est bien supérieure à celle des
autres fleuves français.
La première vraie
catastrophe écologique eut lieu le 10 juillet 1976, à la même date que la
catastrophe de Seveso en Italie. Ce samedi soir, à l’usine « Produits chimiques Ugine
Kuhlmann » (PCUK) de Pierre Bénite au sud de Lyon, aujourd’hui « ATOCHEM », un ouvrier se trompe de wagon et rince
un wagon plein d’acroléïne, produit extrêmement
toxique. Comme il n’y a pas de vraie capacité de rétention qui aurait pu faire
tampon entre le réseau d’égout et le fleuve, ce dernier est gravement pollué.
Notre association de riverains, constituée quelques années plus tôt en 1971 par
Camille Vallin a mis l’affaire en justice. La direction de l’usine, qui avait
déclaré au moment de l’accident : « Un chimiste doit savoir prendre des
risques » ( !), voulait faire condamner l’ouvrier, malheureux exécutant
qui avait eu des directives suffisamment imprécises pour faire cette erreur.
Mais, le tribunal a condamné le directeur à qui il était reproché de ne pas
avoir organisé le travail dans des conditions suffisamment sûres ne permet-tant pas ce type d’accident. Personne n’avait
alors insisté sur l’inexistence de cette capacité de rétention... D’autres
accidents eurent lieu ensuite. Tous ont fait l’objet d’actions en justice qui
ont vu les entreprises condamnées à de modestes amendes. Mais, dès les années
quatre-vingts, les syndicats CGT des entreprises concernées et le MNLE
réclamèrent l’installation de capacités de rétention suffisantes pour retenir
les eaux d’arrosage lors d’un incendie. Les pouvoirs publics et les dirigeants
d’entreprise rétorquaient que l’investissement était trop élevé. On pouvait
déduire le sous-entendu : « Cela coûte moins cher d’indemniser les pêcheurs
et les associations que de creuser ces énormes capacités de rétention... » Puis, survint l’accident de juin
1985 à Péage-de-Roussillon, aux usines Rhône Poulenc. Un entrepôt de pyrocatéchine
s’enflamma. Les pompiers, ne pouvant utiliser de la mousse à cause du toit en
tôle, arrosèrent abondamment le stockage en flammes et l’eau entraîna le
produit toxique au Rhône, plus précisément dans le canal de dérivation de
l’aménagement de la CNR. Une fois de plus, des tonnes de poissons morts
flottèrent au fil du courant. Notre association porta plainte et le tribunal
correctionnel de Vienne (38) relaxa la direction en invoquant la force majeure.
Bien sûr, il s’agissait, à l’origine, d’un incendie ! Ce jugement ne nous
satisfaisait pas, bien entendu ! Nous fîmes appel en invoquant la
responsabilité de l’entreprise qui n’avait pas construit une capacité de
rétention qui aurait évité cette pollution. Notre argument était valable, puisque
la cour d’appel de Grenoble a condamné l’entreprise... Désormais, dans toute la
vallée, et par extension, dans toute la France, la DRIRE (Direction Régionale
de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement) impose à toutes les
grandes entreprises la mise en place de tels réservoirs.
Mais le fleuve ne fut
pas quitte pour autant des pollutions accidentelles. En mai 1993, des tonnes de
poissons morts flottent à la surface du Rhône à la hauteur de
Saint-Pierre-de-Bœuf (42). L’origine de cette pollution est difficile à
déterminer, car plusieurs éléments synergiques l’ont certainement produite. Le
fleuve roi était alors extrêmement fatigué. Son débit était très faible :
environ 400 mètres cube par seconde (son débit moyen est supérieur à 1000
mètres cube par seconde à cet endroit...), la température élevée et le temps
très orageux. D’autre part, une des deux stations d’épuration de la Communauté
urbaine de Lyon, celle de Saint-Fons (69), était arrêtée pour travaux
d’amélioration de ses capacités d’épuration. Cette station épure les pollutions
de l’agglomération de Lyon située sur la rive droite du fleuve, celles de
plusieurs centaines de milliers d’habitants auxquelles il faut ajouter des
pollutions industrielles importantes. Cette pollution ne peut être mise en cause,
car les poissons sont morts environ cinquante kilomètres en aval. L’explication
est donc simple : le fleuve très fatigué n’a pas supporté les pollutions
chroniques toxiques autorisées situées en amont de Saint-Pierre-de-Bœuf.
L’association des riverains de la vallée du Rhône a porté plainte et l’expert
désigné par le juge d’instruction a déposé son rapport. Cette pollution pose un
problème juridique important : doit-on condamner l’entreprise qui a
déversé un produit toxique avec autorisation, ou l’Etat qui a fourni
cette autorisation, alors que cette pollution chronique n’a jamais tué de
poissons dans une situation normale du fleuve ? D’autre part, le mois de
mai était extrêmement mal choisi comme période d’arrêt de la station
d’épuration de Saint-Fons, car le Rhône y est toujours très capricieux sur le
plan de son débit et de la température de son eau... Il y a mort de poissons
et, donc, il y a responsabilité comme le prévoit le code rural. La justice
devra donc prendre toutes ses responsabilités et prononcer une inculpation...
Dès le début des années
1970, nous avions pris conscience des dangers que constituent les pollutions
accidentelles pour les nappes phréatiques qui fournissent l’eau potable à des
millions d’habitants jusque dans le bassin de la Loire. En 1982, nous avions
proposé la mise en place de stations de surveillance et d’alerte des pollutions
accidentelles. Nous n’avons jamais raté une occasion de rappeler cette
revendication. Une telle installation a été mise en place en amont de Lyon, complétée
par une usine de production de secours au cas où il faille arrêter les pompages
et d’un canal faisant office de barrière hydraulique à la pollution. Il
manquait une station d’alerte en aval des usines chimiques de l’agglomération
pour protéger deux grandes zones de captage d’eau potable. Il se trouvait que
Camille Vallin d’abord, puis ensuite moi-même, était vice-président du syndicat
Rhône-Sud, responsable de cette zone de captage. Pour la réalisation de cette
station d’alerte, il manquait un maître d’ouvrage qui devait en assurer le
financement. Avec le président Bujadoux, je
proposai que notre syndicat soit maître d’ouvrage, à nous de mener bataille
pour obtenir les financements nécessaires. Ceux-ci ont été réunis (Agence de
l’eau, Etat, Communauté urbaine de Lyon, entreprises, collectivités
territoriales...) et, à l’heure où ces lignes sont écrites, nous avons lancé un
appel d’offres pour la réalisation de cette station, fruit de nos actions
durant quatorze années...
Pollutions chroniques.
On l’a vu, le fleuve
subit des pollutions chroniques autorisées par les autorités de l’Etat. Ces
pollutions confèrent à son eau une qualité moyenne. Elle serait d’ailleurs
excellente si deux paramètres ne la faisaient pas passer de la bonne catégorie
à la catégorie moyenne. L’un est la pollution bactérienne (pollution domestique
qui fait passer de la classe 1B à la classe 3). L’autre est la pollution
métallique (pollution industrielle qui fait passer de la classe 1B à la classe
2). Le métal le plus présent et le plus déclassant est le mercure. Si on prend
le critère de pollution principale, celui des matières organiques et oxydables,
tous les points de mesure sur le cours du fleuve indiquent une bonne qualité
(1B) - voire même très bonne (1A) en amont de Lyon - sauf un seul, celui situé
à la hauteur de Givors qui passe à la qualité 2 à cause des pollutions de
l’agglomération lyonnaise située immédiatement en amont.
Nos actions ont porté
leurs fruits puisque le Comité de Bassin a adopté un « Plan Rhône » le 3 décembre 1992. Ce plan comporte
trois volets :
« 1) Retrouver, sur les tronçons
encore modelables, un fleuve vif et courant en établissant, en particulier dans
les tronçons court-circuités et les milieux annexes (lônes, contre-canaux) des
caractéristiques physiques compatibles avec un développement de leur potentiel
écologique.
2) Restaurer sur le
fleuve tout entier, une qualité écologique de haut niveau, tant sur le plan
chimique que physique, avec :
· une eau apte à la
vie aquatique sous toutes ses formes, compatible avec tous les usages actuels
et potentiels à développer, dont la traduction devrait être au minimum la
synthèse des normes européennes concernant la production d’eau potable, la
baignade sur les sites concernés, la vie piscicole, et le respect des
objectifs « milieux naturels » pour les substances toxiques directivées,
· des rives et des
fonds propices à l’établissement de communautés végétales et animales
diversifiées, représentatives d’un état non perturbé dans le contexte
typologique du Rhône,
· le rétablissement
des possibilités de migration des poissons, pour leur permettre une
reproduction normale.
3) Soustraire le fleuve
aux risques de pollution accidentelle susceptibles d’anéantir les efforts
accomplis par ailleurs. »
Ainsi, nous avons pu
nous réjouir de voir ouverte l’enquête publique pour un « Avenant à la concession de la CNR
pour l’augmentation du débit maintenu à l’aval du barrage et l’utilisation de
l’énergie hydraulique de ce débit », concernant l’aménagement de la chute de
Pierre-Bénite (69). En effet, depuis des années que nous demandons que soit
augmenté le débit réservé au Rhône court-circuité, actuellement de 10 mètres
cube par seconde en hiver et 20 mètres cube par seconde en été, et porté à 100
mètres cube par seconde. Voilà qui va être fait !
En guise de conclusion
provisoire : le problème des inondations.
Aménagements fluviaux,
pollutions et pratiques nouvelles de la navigation ont privé le riverain de son
fleuve, dont les agressions ne sont plus supportées. Les inondations par
exemple, autrefois vécues comme des évènements extraordinaires intéressants,
mise en scène de la ville par le fleuve, dont les riverains étaient les acteurs
consentants et même heureux, sont aujourd’hui des catastrophes naturelles, et,
lorsque le fleuve ne sort pas de son lit, les puissants remous au pied des
piles des ponts, les énormes chutes au pied des barrages, sont des spectacles
effrayants, des messages d’un autre monde, celui d’un fleuve désormais
incompris, technocratisé, dompté, un fleuve véritablement technologique, un
étranger, un « alien » qui peut devenir terrifiant pour ceux qui n’ont pas oublié sa nature
profonde... Nous avons entamé une grande réflexion sur cette question des
inondations en commençant par consulter les riverains lors d’un colloque à
Avignon en automne de l’année 1994, juste après les grandes inondations de 1993
et 1994. Ces dernières ont bien confirmé l’éloignement du riverain de son
fleuve, car ces inondations ont surpris, alors que nous avions toujours insisté
sur le fait que les aménagements ont seulement écrêté les crues sans mettre le
riverain à l’abri des plus grandes. La question est donc posée de laisser au
fleuve plus de surfaces d’expansion des crues. Et cela concerne directement le
riverain. À nous de lui en faire prendre conscience.... et ainsi, de mieux
gérer les arbitrages nécessaires...
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