"LES NOYES"



Antoine Reale

On voyait passer souvent des noyés: "Regardez! Il y a un noyé qui passe!..."

Un jour, quand on en a sorti un, j'ai vu le temps qu'il avait passé dans l'eau: il avait des anguilles qui lui sortaient de partout...

On est allé au commissariat de Givors, et à cette époque là, le com­missariat de Givors n'était pas compétent, il fallait aller à Chasse; chacun se rejetait la responsabilité et le noyé est resté cinq ou six jours abandon­né sur la berge...

Il est même arrivé que quelqu'un attrape un noyé en tentant d'harpon­ner une grosse branche qui descendait le fleuve (pour le bois de chauffa­ge...)

Dans ces grandes barques avec un toit - on les appelait une "bâche" -il y avait sept à huit bancs de laveuse et les femmes lavaient et ça racon­tait leurs histoires. Il y avait de quoi écouter là! On peut appeler cela un bateau-lavoir. Il y en avait deux sur le bassin et une sur le canal. Celle-là était propriété privée. Les gens payaient pour y laver...

Une fois, une laveuse a poussé un grand cri: un noyé émergeait juste devant sa planche à laver!

En 1939, juste avant la guerre, la "bleue" <la fête des jouteurs; du nom de l'écharpe bleue attribuée au vainqueur> s'est arrêtée parce qu'il y avait eu un noyé...


Jeannot Vinson

J'étais recherché par la gestapo. Pour ne pas être reconnu j'avais mis des lunettes de soleil. Le camouflage ne devait pas être très efficace... Lorsque je croisai Camille, il me dit:

- Salut Jeannot!

- Ah? Tu m'as reconnu, malgré mes lunettes?

On avait choisi un caveau du cimetière pour en faire une cache d'armes. Elles devaient être dans un cercueil. La nuit tombée, je monte au cimetière, je rentre dans le caveau. Je vois un cercueil tout neuf posé au milieu. Il y avait pleine lune et un rayon blafard rentrait pour éclairer fai­blement les lieux. Je soulève le couvercle et sursaute violemment: deux grands pieds blancs me regardaient sous le couvercle. C'était un noyé qu'on venait de retirer du Rhône dans la journée. Quelle frayeur!...


Paul Vallon

II y a des gars qui se sont noyés en ramassant du bois. Un Givordin s'était attaché la corde à la main et il est parti dans le fleuve avec l'arbre qu'il avait harponné.


Laurent Raymond

Tu te rappelles quand ils péchaient sur le gravier et qu'ils ont tiré le gars qui avait tué sa femme là? Il avait tué sa femme et puis il s'était sui­cidé en se jetant à l'eau. Et dans la nuit les pirates passent pour donner un coup de "couble". Qu'est ce qu'ils voient quand ils tirent la couble à ter­re: un macchabée. Ils l'ont laissé!


Pierre Lachat

II y en a un, j'ai été surpris quand je l'ai attrapé par les cheveux: il était droit dans l'eau. Il y avait juste la tête qui flottait. On attrape ça en se disant "Qu'est-ce que c'est?". On l'a amené à terre à Flévieu.

A l'embouchure du Gier: un noyé émerge; des billets plein les poches. C'était un truand qu'on avait "suicidé" du pognon plein les poches et les doigts plein de bagues.


Janine Rolin

Dans les palettes des remorqueurs, ils trouvaient parfois aussi des cadavres, des noyés...