Cet homme modeste et brillant, ancien instituteur, avait montré
qu’il est possible de devenir un véritable créateur sans avoir le soutien des
grands de la politique et de la finance, car, lorsque son premier film "Le
Rendez-vous des quais" a été saisi et détruit (heureusement le négatif
avait été conservé) même le Parti communiste dont il était membre n’avait rien
dit.
Il a fallu l’intervention d’ouvriers dockers
auprès du ministre de la culture Jack Lang pour que son film fût exhumé et
qu’il fût reconnu comme un "maillon manquant" de l’histoire du
cinéma.
J’ai eu le plaisir de faire trois films avec lui :
"Vallée du Rhône la colère", "Le Rhône la mer danger
pollution" et "Vivre à Givors", je fus coréalisateur de ces deux derniers films.
Je présente mon salut
fraternel et mes condoléances à son épouse Maguy ainsi qu’à toute sa famille.
Cliché : me voici (à gauche) en compagnie de Paul Carpita qui
tient la caméra. Nous sommes à Givors (Rhône) en 1988
Hommage de
Frédéric Mitterrand,
ministre de la
Culture et de la Communication à Paul Carpita
Le cinéaste Paul Carpita,
dont le film "Le rendez-vous des quais" sur la guerre d'Indochine
avait été censuré pendant trente-cinq ans, est décédé samedi à son domicile
marseillais à l'âge de 86 ans.
Né en 1922 dans la cité phocéenne, fils d'un docker et d'une poissonnière, Paul
Carpita réalise en 1955 son premier long métrage, "Le rendez-vous
des quais", histoire d'amour d'un docker et d'une ouvrière, sur fond de
grève des docks en réaction à la guerre d'Indochine.
Le film sera saisi et interdit par la censure ; il ne ressortira qu’en 1991
pour être salué comme un "précurseur de la Nouvelle Vague".
"Dès que j'ai su me servir de la caméra obtenue tout petit, je l'ai
tournée du côté des millions de gens qui ressemblent à papa et maman, les gens
humiliés, méprisés", disait ce défenseur d'un cinéma populaire qui avait
adhéré très jeune au Parti communiste.
Paul Carpita a signé en 2002 son troisième et dernier long métrage,
"Marche et rêve », une "comédie méridionale" au regard tendre
sur trois métallurgistes au chômage, dans la petite ville provençale de
Martigues.
Toute sa vie, Paul Carpita fut un humaniste plein de poésie, cinéaste essentiel
de l’école sociale, peintre d’un monde du travail qui aurait été oublié sans
lui et auquel le ministre de la Culture et de la Communication souhaite ce soir
rendre un hommage chaleureux.
Paris, le 25 octobre 2009